Ils ont entre 18 et 20 ans, et ils représentent l’avenir d’un métier essentiel : plâtrier. Aux WorldSkills, ces jeunes talents impressionnent par leur technique, leur passion et leur détermination. Découvrez comment les participants de la sélection régionale des Pays de la Loire s’approprient un savoir-faire ancestral pour en faire un véritable atout pour demain. En France, l’événement phare pour détecter les talents des métiers manuels est la Compétition nationale des métiers. Sa 48e édition se tiendra à Marseille du 16 au 18 octobre. Durant trois jours, les meilleurs jeunes professionnels français rivaliseront d’adresse, dans une ambiance à la fois compétitive et conviviale.
Le stress ? « Pas encore », lâchent en chœur Lenny, Noa, Enzo, Maxence et Hugo, tous âgés d’à peine vingt ans. Pourtant, ces jeunes hommes, sont en pleine préparation pour les WorldSkills, les Olympiades des Métiers, une compétition internationale d’excellence qui met à l’honneur les savoir-faire manuels. Et parmi les disciplines représentées, un métier souvent méconnu du grand public : la plâtrerie. Sur les stands d’entraînement, une tension palpable vibre sous le silence studieux. Concentrés, les jeunes compétiteurs, repérés pour leur talent brut, répètent inlassablement les gestes.
Accompagnés par des figures du métier, comme Jean-François Rouvrais ( CFA de Fougères) soutenant le Breton Enzo Delpech (Stoa), ou forts du partenariat de Staff Décor pour les talents des Pays de la Loire, issus du CFA de Saint-Herblain et guidés par Wilfried Fort, ils affûtent leurs techniques. Ici, il ne s’agit plus seulement de manier le plâtre, mais de le dompter, de le métamorphoser en une expression artistique, une promesse d’excellence.
La plâtrerie, une vocation inattendue
Pour Noa Fernandes, la plâtrerie relevait de l’inconnu, voire d’un univers éloigné de ses premières aspirations. « Je ne connaissais pas vraiment les métiers manuels, le secteur du BTP ne m’évoquait rien de particulier », avoue-t-il avec franchise. Une rencontre presque fortuite avec la profession, loin des trajectoires Initialement envisagées. Un écho se fait entendre chez Lenny Gautier. Un stage de découverte, initié par un voisin, a agi comme un révélateur. « J’étais d’abord orienté vers la mécanique automobile, mais l’enfermement dans un atelier ne me convenait pas. En plâtrerie, lors d’un chantier d’aménagement de combles, j’ai été conquis par la technicité du geste ». Un virage à 180 degrés, assumé avec enthousiasme, pour ces jeunes hommes que la diversité et la richesse du métier ont finalement séduits.
L’épreuve du feu de la formation a-t-elle confirmé leurs intuitions ? Pour Noa, « la relation client est une dimension totalement inattendue », une facette humaine qu’il n’avait pas anticipée. Lenny, quant à lui, a découvert l’impératif de la collaboration : « Je n’imaginais pas l’interdépendance avec d’autres corps de métiers, menuisiers, électriciens… Travailler ensemble est une nécessité ». Une leçon fondamentale, celle de l’esprit d’équipe, qui prend tout son sens sur le terrain, au fil des apprentissages.
WorldSkills, un accélérateur de compétences
La flamme de la compétition brille dans les yeux des 5 ligériens. « L’esprit de compétition, c’est le moteur principal », affirment-ils spontanément.
Pour Noa Fernandes, l’objectif ultime est clair et ambitieux : « Gagner les mondiaux ». Mais au-delà de la quête de victoire, les WorldSkills apparaissent comme un véritable accélérateur de performance. « La compétition nous pousse à maîtriser des techniques pour être plus efficaces », explique Lenny, « On est constamment amenés à acquérir de nouvelles compétences, ce qui booste notre progression ». Une émulation positive où l’ardeur compétitive se mêle à une forte cohésion. « On se soutient mutuellement, même si on est en lice les uns contre les autres », souligne Noa.
Le sujet des WorldSkills ?
La réalisation d’une maquette dans un environnement de travail réduit. Un exercice pointu qui sollicite à la fois la maîtrise technique et l’ingéniosité créative, sous le regard exigeant des jurys. Pour parfaire leurs ouvrages, les jeunes compétiteurs exploiteront également le staff, dont ils apprécient déjà le prestige et ses multiples applications. « Le staff est un complément idéal, il enrichit notre palette de compétences », explique Lenny, déjà médaillé au concours MAF en 2024. Pour Noa, le staff confère « une plus-value au métier, une expertise qui peut nous distinguer et souligner notre savoir-faire ». Une compétence reconnue qui, sans aucun doute, sera un atout précieux pour leur avenir professionnel.
Le plâtre, un métier d'avenir
L’accès à la formation s’avère-t-il simple ? « Oui », répond Lenny sans hésitation, « et c’est une filière de plus en plus attractive, qui se modernise chaque année. On peut progresser rapidement ». Le jeune homme perçoit clairement les opportunités qu’offre cette voie professionnelle. Un sentiment conforté par l’enthousiasme de son entourage. « Mes proches m’encouragent à fond : « Fonce ! », me disent-ils », confie Lenny, soulignant l’importance de ce soutien familial.
Aux jeunes qui doutent encore, Lenny et Noa lancent un appel à la découverte : « Le meilleur moyen de se faire une idée, c’est de faire des stages ». Car pour eux, le métier révèle un « aspect créatif passionnant dans l’aménagement des espaces » et représente « l’avenir d’un artisanat d’excellence », une vocation riche de sens et de perspectives.
« Transmettre, c'est vital »
Au cœur de la préparation de ces jeunes talents, une figure essentielle : Wilfried Fort, leur formateur au CFA de Saint-Herblain. « Mon rôle, c’est d’aider les jeunes à identifier leurs erreurs durant les entraînements », explique-t-il avec humilité. Mais son action dépasse largement cette simple correction technique.
Pour Wilfried, la réussite de ses élèves est une source de fierté personnelle. « Le métier d’enseignant, c’est avant tout une vocation, une transmission qui vient du cœur », affirme-t-il avec conviction. Et cette transmission, il la conçoit comme un impératif pour l’avenir de la plâtrerie. « Nous détenons un savoir-faire, un savoir-faire en constante évolution. Il est de notre responsabilité de le transmettre, de le faire vivre. Si cette chaîne se brise, c’est tout un pan de notre métier qui disparaît », souligne-t-il avec gravité.
Né en 1977, Wilfried a été témoin des mutations profondes du secteur. Pour préparer au mieux ses protégés, il a mis en place un véritable « coaching », rivalisant avec les méthodes des Jeux Olympiques. « Nous recréons les conditions exactes de l’épreuve, en insistant sur la réalisation de l’ouvrage dans les délais impartis ». Analyse minutieuse des réalisations, gestion du temps, détection des moindres imperfections… Rien n’échappe à son regard expert. « L’épreuve dure six heures, et mon objectif est de les accompagner pour qu’ils puissent livrer un ouvrage impeccable dans ce laps de temps, en alliant rapidité et qualité. Car il s’agit bien d’un ouvrage, un terme essentiel à mes yeux », insiste Wilfried.
Compétences techniques et créativité
La palette de compétences du plâtrier est vaste et hybride. « Préparation des matériaux, application d’enduit, découpe millimétrée, lecture experte de plans, poses complexes, ornementation… », détaille Wilfried. Un savoir-faire étendu qui ne se limite plus au seul plâtre. « Les compétences de plâtrier et de plaquiste sont désormais complémentaires », insiste Wilfried, qui a lui-même forgé son expérience dans l’exigence des chantiers navals.
Son ambition aujourd’hui est de « susciter l’enthousiasme pour ces métiers, de révéler aux jeunes leur potentiel, et de leur montrer comment le staff peut sublimer la brique de plâtre ». Car si la technique sèche est prédominante (85% des chantiers), la créativité et la décoration, notamment grâce au staff, reviennent en force. « Au CFA, nous encourageons les projets d’ensemble qui mettent en œuvre le staff, afin de développer cette fibre artistique », précise Wilfried. Le métier de plâtrier est en perpétuelle mutation. « L’avenir est incertain, mais une chose est évidente : la profession a déjà profondément évolué », observe Wilfried, évoquant l’arrivée des matériaux recyclés et novateurs, des plaques allégées. « La part de « l’humide », du plâtre traditionnel, diminue : elle ne représente plus que 15% des réalisations. Ce pourcentage devrait rester stable, car « l’humide » devient une niche. Le « sec », lui, s’est démocratisé et n’est plus exceptionnel. La formation doit donc couvrir ces trois volets : humide, sec et déco avec le staff ».
Autonomes et opérationnels : La valeur du BP Plâtrerie
Quelles sont les compétences concrètes acquises dès l’obtention du BP ?
Les jeunes plâtriers se révèlent immédiatement opérationnels et polyvalents. Ils ne sont plus de simples exécutants, mais de véritables chefs de projet en devenir. « Ils peuvent déjà prendre en charge une petite équipe, endosser le rôle de chef de chantier. Ils savent gérer les plannings, les délais, les ressources humaines. C’est une fonction de coordination, de gestion de chantier à part entière. En sortant du BP, ils ont les cartes en main pour devenir gestionnaires de chantier », explique Wilfried.
Pour optimiser leur efficacité et préserver leur santé, Wilfried insiste sur l’importance de « minimiser les gestes superflus, d’utiliser les outils adaptés ». Un principe pédagogique essentiel pour les enseignants : « Notre rôle est d’apprendre aux jeunes à trouver la bonne posture, le geste juste, pour épargner leur corps au quotidien ». Une préoccupation qui témoigne d’une évolution des mentalités, loin de la vision dépassée du travail forcené. « Si l’on se projette vingt ans en arrière, la logique était au rendement, au mètre carré, avec une rémunération à la tâche. Aujourd’hui, l’approche est différente, moins axée sur la quantité brute. Le matériel a évolué, avec des solutions pour manutentionner les plaques de grande dimension, des plaques allégées proposées par des marques comme Placo ou Siniat. Il faut trouver le combo idéal entre efficacité et préservation du corps. C’est pourquoi nous intégrons de nombreux modules sur la posture dans nos formations, pour aider les jeunes à préserver leur capital santé ».
Libérer la créativité : le Staff, allié incontournable des plâtriers
La créativité, loin d’être un simple ornement, est placée au cœur de la formation, notamment grâce au staff, « intimement lié à l’expression créative du métier », souligne Wilfried.
Ce dernier œuvre à « associer le staff en stimulant et en proposant des ateliers innovants qui marient les styles modernes et contemporains ».
Fini les clichés surannés, « le staff n’est absolument pas « bling bling ». Le style émerge des profils, l’espace est sublimé par l’alliance du staff et de la plaque de plâtre ».
L’accompagnement de Wilfried dépasse largement le cadre purement technique. Gestion du stress, prise de distance face aux difficultés, valorisation de l’apprentissage par l’erreur… Autant de compétences transversales essentielles pour s’épanouir dans la profession, qu’il s’attache à cultiver chez ses élèves.
Et pour stimuler leur imagination et nourrir leur ambition, Wilfried puise son inspiration dans les sujets exigeants des Meilleurs Apprentis de France (MAF). « Ma pédagogie est aussi axée sur les MAF, car je prépare les sujets des épreuves nationales. Les thèmes MAF sont conçus pour dynamiser la profession, pour lui insuffler un souffle nouveau. Il s’agit de faire évoluer le métier, de passer d’une vision classique à l’esthétique actuelle. Le sujet doit faire rêver le jeune, l’inciter à se dépasser, à s’engager pleinement. Dès qu’ils découvrent le défi, ils doivent avoir envie de le relever. Et le nombre croissant de candidats en témoigne : cette approche porte ses fruits. Pour les jurys comme pour les formateurs, cela implique de rester à l’écoute des tendances, d’être innovant, voire précurseur ». Sur les tables d’entraînement, angles et équerres sont de rigueur. Les jeunes compétiteurs rivalisent d’ingéniosité pour découvrir les « astuces qui leur permettront de prendre le meilleur départ dans leurs projets ». Un apprentissage continu, une quête permanente de perfection, portée par la passion du métier et le désir de se surpasser. Une belle leçon de vie, offerte par ces jeunes talents qui, truelle en main et créativité en tête, dessinent l’avenir de la plâtrerie.
18ème édition des Worldskills Pays de La Loire
Parc des Expositions d’Angers
les 7 et 8 mars 2025
Restez connectés et retrouvez les performances
de Lenny Gautier, Noa Fernandes, Enzo Delaunay, Maxence Thorin et Hugo Pepier
dans le catégorie
PLÂTRERIE ET CONSTRUCTIONS SÈCHES
Plus d’information sur : paysdelaloire.fr
Zoom sur les WorldSkills
WorldSkills est née d’une idée novatrice en 1950. C’est en Espagne qu’un groupe de professeurs a imaginé une compétition internationale pour promouvoir les métiers manuels auprès des jeunes. Trois ans plus tard, en 1953, cette idée s’est concrétisée avec la tenue de la première compétition WorldSkills. Depuis cet événement inaugural, la manifestation n’a cessé de grandir, rassemblant aujourd’hui plus de 80 pays tous les deux ans. Les jeunes professionnels de moins de 23 ans s’y affrontent dans divers métiers, cherchant à obtenir la plus haute distinction. WorldSkills est ainsi une occasion unique de valoriser les savoir-faire et de mettre en lumière les talents de demain.